Opinions de campagne

​Les opinions que nous professons relèvent moins de nos idées que de nos caractères. Dans la manière dont elles se forment, ce n’est pas tant notre raison qui est à l’œuvre qu’un ensemble de dispositions émotionnelles et personnelles qu’on peut appeler notre sensibilité ou notre tempérament. Ce sont ces dispositions qui déterminent la façon dont nous réagissons à une situation donnée. L’intelligence n’intervient qu’après (dans l’hypothèse où elle intervient, ce dont nombre d’observations peuvent conduire à faire douter), afin de fournir des rationalisations rassurantes à des prises de position auxquelles au départ elle n’a pas vraiment contribué.

C’est pourquoi, dans la présente campagne électorale, les argumentations irréfutables et les commentaires enflammés des uns et des autres, tels qu’on peut lire sur les réseaux sociaux, ne servent globalement à rien. Les pro-vote et les pro-abstention s’insultent sans se convaincre, les pro-Le Pen déversent tout ce qu’ils peuvent de calomnies et de fake news sur leur adversaire, les pro-Macron s’égosillent en prétendant raison garder. Rien de tout cela ne fait véritablement bouger les lignes, et celui qui reçoit une opinion l’accueille ou la rejette en fonction de sa propre conviction.

© Reiser

Tout est hystérisé, l’anathème devient la règle, les amis facebook s’éliminent réciproquement à-tout-va, chacun fait le tri, on s’excommunie, on s’invective, quelque chose de malsain se répand partout, c’est la grande lessive en famille, et encore une fois on en oublie les autres, nos amis et voisins qui ne sont pas Français et dont on pense que ça ne les concerne pas. « Que les Européens ne se mêlent pas de nos affaires ! » Ah bon ? Imaginons un instant que tout ce qui se déroule en ce moment chez nous se passe en Allemagne. Nous y verrions l’extrême-droite avec une chance non nulle d’arriver au pouvoir, et un grand nombre d’indécis hésitant cependant à voter contre elle. Je ne crois pas que nous aurions tendance à considérer cela comme une affaire strictement allemande : je crois au contraire que nous en serions fort inquiets.

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Claudine Plas-Arbon

L’extrême droite française se revendique sans état d’âme “nationale socialiste”… ce n’est pas un rêve monsieur mais en cauchemar !

Bruno Sérignat

Ah le grand mot est lâché : l’extrême-droite a “une chance non nulle” d’arriver au pouvoir ! On entend déjà le roulement lourd des Panzer Divisions qui ébranlent le pavé de la rue d’à-côté tandis que, un peu plus loin, des détonations assourdies par les cris des populations paniquées signent le début des premières exécutions sommaires… Les heures les plus sombres de notre histoire sont sur le point de revenir avec le ventre encore fécond de la bête immonde… Rêve de bobos que tout cela. Si d’aventure Mme Le Pen devait arriver au pouvoir, il y aurait quelques renégociations de traités européens et certaines prestations supprimées aux migrants, certainement pas l’apocalypse. Et, oui, notre destin ne regarde pas nos voisins : ils feront avec ce que nous aurons décidé et si cela ne leur convient pas essaieront d’autres alliances. Les peuples en ont vraiment assez du “droit d’ingérence humanitaire” qui profite toujours aux mêmes !