Fat luxe

J’ai parlé récemment du désavantage de la science. On aura compris que c’est par antiphrase, et par référence à une fable de La Fontaine, intitulée l’Avantage de la Science, dont j’ai déjà fait mention.

Cette fable met aux prises un riche bourgeois et un savant. Le bourgeois prétend que c’est lui que le savant doit honorer, et non l’inverse. Ce qui est très intéressant, c’est l’argumentation qu’il utilise : son discours est l’une des premières apparitions dans la littérature d’une conception économique du monde. Il affirme la suprématie des affaires marchandes et concrètes sur les spéculations de l’esprit. C’est la consommation de biens qui devient, absolument, la valeur. On est utile si l’on dépense, car c’est ainsi qu’on fait marcher le commerce et qu’on contribue à accroître la richesse de tous.

Mon ami, disait-il souvent
Au savant,
Vous vous croyez considérable;
Mais dites-moi, tenez-vous table ?
Que sert à vos pareils de lire incessamment ?
Ils sont toujours logés à la troisième chambre,
Vêtus au mois de juin comme au mois de décembre,
Ayant pour tout laquais leur ombre seulement.
La république a bien affaire
De gens qui ne dépensent rien !
Je ne sais d’homme nécessaire
Que celui dont le luxe épand beaucoup de bien.
Nous en usons, Dieu sait! notre plaisir occupe
L’artisan, le vendeur, celui qui fait la jupe,
Et celle qui la porte, et vous, qui dédiez
A Messieurs les gens de finance
De méchants livres bien payés.

Ce bourgeois me parait être l’ancêtre de Séguéla, à la Rolex péremptoire et à la divertissante fatuité.
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