Métamorphose

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sculpture de Maria-Luise Bodirsky

J’ai participé cette semaine à un colloque dont le thème était « métamorphose : se transformer soi-même pour changer le monde ». Le thème ne manquait pas de souffle, et la méthode consistait à réunir quelques personnes supposées avoir des choses à dire sur le sujet. On m’invite de temps en temps à des causeries de ce type, car on pense avoir affaire avec moi à un beau specimen de quelqu’un qui a “muté”. C’est vrai et c’est faux. Suivant la perspective selon laquelle je considère la question, je peux dire qu’en quittant la vie d’entreprise pour la chanson j’ai en effet vécu une rupture radicale, mais je peux voir aussi tout ce qui est resté inchangé ou presque : mon physique, mon caractère, ma famille, ma maison.

La métamorphose n’est pas du tout dans la nature de l’homme. En tant qu’individus, nous ne sommes pas comme des asticots qui deviennent des mouches, ni des chenilles qui se transforment en papillons. Notre développement est amétabole, c’est-à-dire que nous naissons très semblables à ce que nous devons devenir. Tout est déjà là. Puis le milieu, les circonstances, le travail, la volonté, vont nous orienter, nous façonner, permettre à telle ou telle de nos potentialités de s’exprimer ou non. Chacun sait plus ou moins confusément que s’engager dans un processus de changement personnel, c’est lent, difficile, ascétique, et que les résultats en seront limités.

C’est la raison pour laquelle les désirs ou les rêves de changement humains se portent principalement sur la dimension sociale de l’existence. Changer le monde parait bien plus facile que de se changer soi. On élabore des théories, on conjecture des mécanismes, on se projette dans une complexité insaisissable, et on décrète que la métamorphose est « une invention de la Vie qui laisse s’effondrer, comme par inversion de son processus immunitaire, les formes de vie et de reconnaissance inadaptées à leur environnement, pour réveiller des “logiciels dormants”, (ou déviants), qui vont puiser dans l’énergie d’effondrement, l’énergie nécessaire à la mise en place d’un “méta système” plus adapté à l’évolution de la vie » (François Plassard). Et hop !…

En clôture du colloque, Edgar Morin a déclaré qu’il gardait espoir en l’avenir de l’homme, car l’improbable restait toujours possible. Ces penseurs qui manient à la fois la catastrophe et le miracle sont pour la plupart sympathiques, mais ils m’ont toujours légèrement fatigué.

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muriel

Il y a un point sur lequel je ne suis pas d’accord avec toi.
Tu dis que ton physique n’a pas changé. Or j’ai aperçu sur internet une photo de toi qui date d’avant ton virage vers la chanson, et je ne t’y reconnais pas. Non pas parce qu’il s’est passé quelque
10 ou 15 ans entre temps, mais parce tout, jusqu’à tes traits ou à ton expression me semblent avoir changé aujourd’hui. Ce portrait a, me semble-t-il, peu à voir avec celui qui nous accueille sur
ce blog. On dirait bien que l’homme a muté. Qu’il s’est métamorphosé pas à pas en lui-même (ne deviendrais-tu pas « toi (-même) en mieux » ?).
PS : mais bon, la photo était peut-être mauvaise !