Ceux de 14

Comme tous les 11 novembre, je pense à la guerre de 14 et à tous ceux qui l’ont faite.

Mon grand-père me l’avait souvent racontée. A dix ans, je connaissais tous les détails de l’histoire : les obus, la boue, les poux, les assauts, les rats, la cote 304, les corps déchiquetés, la popotte, le courrier, les amis morts.

L’un de ses compagnons d’armes avait été le sergent P. Mon grand-père l’avait laissé le bras arraché et le ventre ouvert dans un trou d’obus. Il avait vainement essayé de le ramener, et l’autre l’avait adjuré de fuir : — Tu vois bien que je vais mourir, abruti ! Sauve ta peau !…

Soldat en kit

Cinquante ans plus tard, alors qu’il se promenait à Biarritz, sur le bord de mer, un homme à qui il manquait un bras s’était précipité vers lui. — Ducasse ! C’est toi ?… C’est bien toi ?

Je me demande si, pour mon grand-père, ça n’a pas été le plus beau jour de sa vie.

PS : André Glucksmann est mort. Au risque de faire croire que je n’ai que des souvenirs de restaurant à évoquer lorsqu’un philosophe meurt, je signale ce Dîner au plaza que j’ai raconté il y a quelques années.

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