Balzac écrit dans Le Père Goriot que « le cœur d’une sœur est un diamant de pureté, un abîme de tendresse ».
Certains jours, me rapportant à ma situation familiale, je trouve que les écrivains ont beaucoup d’imagination.
Balzac écrit dans Le Père Goriot que « le cœur d’une sœur est un diamant de pureté, un abîme de tendresse ».
Certains jours, me rapportant à ma situation familiale, je trouve que les écrivains ont beaucoup d’imagination.
Qu’est-ce qui tourne sur la lande ?
L’oiseau
Les saisons
La mémoire d’un baiser
L’ombre d’une vie
Rien
Tout
Si peu
Le vent
Le Monde nous apprend que des équipes scientifiques travaillent sur la création de chimères homme-singe, et qu’elles sont parvenues à en cultiver les embryons pendant quelques jours.
Ces travaux, nous dit le journal « suscitent une salve d’interrogations », d’ordre biologique, médical, philosophique et éthique. J’ajouterai pour ma part anatomique, et pyrotechnique. Car selon Homère, qui en a le premier donné une description, la chimère est un monstre « lion par devant, serpent par derrière, chèvre au milieu », et capable de « cracher le feu ». En cas d’un assemblage homme-singe mené à terme, quelle serait donc les parties du corps occupées par chacun des deux, et leur alliance pèterait-elle des flammes, comme il est permis de l’espérer ?
Répondant à la première de mes interrogations, les savants qui s’adonnent à ces travaux assurent être conscients de « lignes rouges à ne pas franchir ». Un chercheur américain les résume élégamment : pas question de mélanger « brain, balls and beauty » en introduisant des cellules humaines dans le cerveau d’un singe, ses organes sexuels, ou même de modifier son apparence. On ne peut que se réjouir de voir qu’ainsi tout est fait pour éviter de porter atteinte à la dignité de l’animal.
J’ai trouvé sur le mur de mon ami Laurent B. cette citation d’Alexandre Vialatte : « Ce qui me plaît, voyez-vous, dans la vie, c’est qu’elle s’envole comme un ballon. Elle est solennelle et frivole, majestueuse et à pois blancs. »
Elle me parait suffisamment plaisante pour que l’on puisse passer le week-end dessus.
Ce n’était pas dit sur le ton d’une mauvaise plaisanterie grivoise. Maman n’avait jamais été vulgaire. Mais elle n’avait plus sa tête, plus de retenue, et s’était adressée à la jeune femme méchamment, avec le désir inconscient de la blesser.
— Tu as des enfants ?
— Oui.
— Vraiment ? Tu les as faits avec tes trous à toi ?
Pourquoi faut-il qu’il y ait des paroles qui restent ? Pourquoi quelques mots entendus un jour continuent-ils de flotter à la surface de la conscience au lieu de sombrer comme tous les autres dans l’oubli ? Et pourquoi viennent-ils rayer l’image qu’on voudrait intacte et exemplaire de personnes chères à notre cœur ?
« Ce n’est rien de vieillir, mais le terrible est que l’on reste jeune. » La réflexion est de Paul Guimard. C’est une vérité qu’avec l’âge nous découvrons presque tous, en apercevant certains jours dans nos miroirs le portrait d’une personne beaucoup plus vieille que nous.
Notre destinée commune, c’est ainsi de jouer Dorian Gray à l’envers, et le jeune homme que je suis peinerait en effet quelquefois à se reconnaître dans son reflet s’il n’y surprenait pas le regard d’incompréhension qu’il est en train de lui jeter.
Les réseaux sociaux n’ont rien fait pour atténuer ce trouble. Claudine a découvert une autre page “Jean-Pierre Arbon” sur Facebook. Et là, bon, je veux bien admettre l’existence d’un décalage important entre ce qu’on s’imagine et la réalité, mais quand même, j’ai des doutes.
J’ai revu dimanche soir pour la nième fois « Touchez pas au grisbi » avec un plaisir intact. J’ai pour ce film une tendresse particulière. Je ne sais pas pourquoi. Sans doute parce qu’il se passe le jour de ma naissance (un mois après un hold-up intervenu le 5 septembre 1953, des truands se disputent le magot : nous sommes donc bien le 5 octobre, ou dans ses alentours immédiats) et me fait voir comment était Paris quand j’y ai débarqué.
Certes, le caractère documentaire du film n’est pas attesté. Mais laissez-moi penser qu’en 1953, pour réfléchir, on débouchait du champagne (quand on était seul, une demie-bouteille ; à trois, un magnum) ; qu’avant une discussion sérieuse, on ouvrait du pâté et une bouteille de Muscadet ; que pour téléphoner, on allait au bistrot (« un jeton et une fine, s’il vous plait ») ; qu’un déjeuner galant s’accompagnait de bœuf à la ficelle ; et que dans la nuit interlope, l’amitié était sacrée, les filles légères et les hommes bourrus.
Savoir commander avec autant de politesse que de fermeté est un art qui s’est perdu. Autrefois on persuadait au sens étymologique du terme, c’est-à-dire que si, sur le fond, l’ordre était des plus impératifs, sur la forme on conseillait fortement. Aujourd’hui on décrète, on menace, on admoneste, on invective. Cela va de pair avec l’affaiblissement de l’autorité.
Voyez comme François de Sourdis, lieutenant général des armées de Louis XIV, s’adressait en 1695 aux seigneurs d’Aquitaine :
« Je connais votre zèle », « vous aurez pour agréable », « je vous exhorte de n’y pas manquer »… En même temps, on goûtera l’ironie qui faisait qu’à l’époque celui qui donne les ordres se présentait comme le très obéissant serviteur de celui qui les reçoit.
J’ai reçu, Monsieur, les ordres de Sa Majesté pour convoquer le ban et l’arrière-ban de la province. Et comme je connais votre zèle pour son service, vous aurez pour agréable de vous tenir prêt de marcher et de vous rendre en état convenable le dernier jour du mois de mai prochain à Bazas.
Je vous exhorte de n’y pas manquer, parce que l’on procédera à l’encontre des défaillants suivant la vigueur des règlements. À quoi ne doutant pas que vous ne fassiez attention, je suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.
Pierre Dac a dit un jour : « Cette famille s’entend bien, on voit qu’elle n’a pas encore hérité ».
J’en connais une, ils étaient trois enfants, deux garçons et une fille. Les parents meurent, les comptes se règlent. La fille tapait plus fort que ses frères, elle obtient davantage. Et cependant rien n’est résolu.
On ne s’expliquera jamais sur ce que l’argent rachète, in fine.
Je marchais dans le champ dit « de Touya », au bout duquel se trouve la ferme où mon grand-père est né. Le ciel était d’un bleu intense, la prairie couverte de boutons d’or, c’était le printemps en majesté.
En parcourant ce petit coin de terre où il avait passé son enfance, je me mis une nouvelle fois à songer à cet homme que j’ai tant aimé, et doucement, au fil de mes pas, une phrase affleura à ma mémoire, une phrase qu’il cite dans ses souvenirs de guerre de 14-18, que je ne pouvais pas exactement restituer mais qui avait à voir avec ce que j’avais devant les yeux.
De retour à la maison, j’ai repris son manuscrit, et lu ce que j’y cherchais : « Allons, la vie est belle et je sens flotter dans l’air une odeur frémissante de printemps. Les ailes de la Victoire, nous les caresserons bientôt où que nous soyons : debout dans la tourmente ou couchés dans la terre que nous aurons défendue parce qu’elle nous fut douce, maternelle et fleurie ». Mon grand-père indique avec émotion que ces mots sont signés Gabriel-Tristan Franconi, qu’ils sont extraits d’une lettre que ce camarade de tranchée (qu’il décrit comme « fantassin, sous-lieutenant, mon compagnon ») avait écrite avant d’être tué le 23 juillet 1918, et il les cite à deux reprises dans son livre, au milieu, puis à la fin, tant ils l’avaient marqué et lui tenaient à cœur.
Et soudain, j’ai compris que ce qui l’avait bouleversé dans ces lignes, plus encore que la perspective de la victoire, plus même que la prémonition que son ami avait eue de sa propre mort, c’était l’évocation de la terre « douce, maternelle et fleurie », c’est-à-dire l’exact souvenir de son champ de Touya.